par Fréderic Mathieu.
A en juger par son titre au générique de la trilogie Le Seigneur des Anneaux, Richard Taylor est un touche-à-tout peu commun. Il est en effet crédité comme "designer et superviseur des maquillages spéciaux, créatures, miniatures, armures et armes"...Une belle consécration pour ce Néo-Zélandais qui a supervisé les effets créatures de tous les films de Peter Jackson, mais aussi ceux des séries Hercule et Xéna.
O˘ en Ítes-vous de la production des effets de la trilogie ?
Au niveau des départements que je supervise, c'est pratiquement terminé. Pour les armures, maquillages et armement, c'est déjà fini depuis longtemps. Ce travail avait été réalisé en amont et pendant les prises de vue. Depuis la fin du tournage, en décembre 2000, nous avons essentiellement travaillé sur les miniatures, mais aujourd'hui, ce département a quasiment achevé sa mission, lui aussi. Il reste encore une bonne partie des maquettes du troisième volet à filmer, mais la plupart des plans à effets spéciaux sont désormais en boÓte. Il s'agit à présent d'y ajouter les trucages numériques, d'incruster les figurants virtuels sur les miniatures, de travailler sur les animations de personnages 3D, etc. C'est la mission de notre société súur, Weta Digital (NDLR - propriété de Peter Jackson). Au niveau de Weta Workshop, la société que je dirige, nous commençons déjà à travailler sur d'autres projets.
Je ne comprends pas bien. On sait qu'il y a eu un tournage simultané pour les trois films, puis chacun des volets bénéficie d'un an de postproduction pour les effets visuels te le montage, la musique et le mixage. Donc, officiellement vous devriez à peine commencer a travailler sur les effets du troisième film...
C'est vrai en ce qui concerne les trucages numériques. Tout ce qui est images de synthèse et animation 3D est effectivement ajouté dans chaque film pendant l'année de postproduction que vous mentionnez. Mais pour ce qui est de la création des miniatures, ce travail était déjà en grande partie terminé avant mÍme que les films aient été tournes. C'est vrai que d'ordinaire, les effets visuels et les maquettes sont du domaine de la postproduction: ils sont traditionnellement réalisés après le tournage avec les acteurs. Nous avons donc travaillé à l'envers ...(Rires) Je m'explique: Peter Jackson voulait prévisualiser la trilogie toute entière avant d'entamer les prises de vue. Certains plans ont été prévisualisés en image de synthès à l'aide d'animations 3D sommaires, mais un grand nombre d'entre eux ont été préparés avec des miniatures. PlutÙt que de perdre du temps à fabriquer dans cette perspective des maquettes provisoires pour ensuite construire les " vrais " modèles réduits du film, nous avons décidé de commencer directement par les versions définitives. Ainsi, le travail de conception des miniatures des trois films a débuté en octobre 1997, soit deux ans avant le tournage. Bien s˚r, les maquettes filmées en vidéo pour la prévisualisation n'avaient pas encore le degré de finition que ce que vous pouvez en voir dans les films, mais la base était là. Au final, la conception, la fabrication et le tournage des miniatures pour la trilogie auront demandé quatre ans et demi de travail ininterrompu !
Il semble que la trilogie du Seigneur des Anneaux représente le plus gros travail d'effets miniatures de toute l'histoire du cinéma.Des films comme les deux derniers Star Wars ou Independcnce Day comportent en réalité beaucoup plis de miniatures, mais la plupart d'entre elles n'étaient que de " petits " modèles de vaisseau spatial ou autre...
Effectivement. Pour la trilogie, Weta Workshop a construit 68 miniatures et presque toutes étaient énormes. C'était de véritables décors et non pas des éléments destinés à Ítre incrustés dans les plans comme par exemple, vous l'avez dit, un engin spatial. Songez que certaines miniatures dépassaient en dimension les décors construits pour les acteurs ! L'escalier de Khazad-Dum mesurait ainsi 18 mètres de large, Isengard était grand comme deux terrains de football. Quant à Lothlorien, la cité des elfes dans les arbres, le décor mesurait 24 mètres de large sur 18 mètres de profondeur et 11 mètres de haut... Il occupait un plateau de tournage entier, du sol au plafond ! Difficile d'appeler ça des miniatures...
Pourquoi avoir choisi de travailler avec une échelle aussi massive ?
Parce que Peter Jackson souhaitait respecter l'échelle des sites que décrivait Tolkien. Dans les livres, ces endroits sont pré- sentés comme titanesques, écrasant les personnages par leur immensité. De mÍme, dans les dessins d'Alan Lee et de John Howe, les deux artistes conceptuels du film, les héros sont systématiquement minuscules par rapport à leur environne- ment. Si nous voulions traduire ce gigantisme à l'écran, il nous fallait intégrer dans les miniatures un niveau de détail peu commun. La seule solution, c'était de construire des maquettes de très grande dimension afin de pouvoir les décorer de détails minuscules qui renforceraient leur échelle. Plus votre maquette est grande, plus vous pouvez y ajouter de détails et plus le résultat aura l'air massif.
Comment avez-vous déterminé la taille que devait faire chaque maquette ?
'est simple, mais vous allez rire : notre critère était la porte de l'atelier... Les miniatures devaient Ítre les plus grandes possibles, mais il fallait pouvoir les faire passer par la porte afin de les amener au studio de prises de vue. Il y avait donc d'un cÙté un aspect artistique et créatif, et de l'autre, un cÙté purement pratique : passer la porte... (Rires) II fallait aussi qu'elles puissent tenir dans le studio dont la hauteur sous plafond dictait la taille maximum à atteindre.
En tout cas, il faut reconnaitre qu'il est très difficile de repérer les miniatures de l'image...
Merci. C'est d˚ à un énorme travail de vieillissement et de patine des surfaces, mais aussi et surtout à la façon unique dont Peter les a filmées. Avec des miniatures de taille normale, la caméra est limitée dans ses déplacements et le spectateur ressent parfois cette contrainte, ce qui tend à trahir l'effet. Or, Peter voulait absolument filmer les maquettes comme des décors réels. Il me disait : "Si j'avais réellement eu l'escalier de Khazad-Dum en face de moi, je l'aurais filmé de telle façon et c'est exactement ce que je veux faire avec la maquette." En construisant des miniatures de très grande taille, nous avons offert à Peter une liberté totale pour ses prises de vue et il s'est régalé à balayer ces décors avec de grands mouvements de caméra. C'était beaucoup plus difficile à faire, mais à l'arrivée, ces plans n'ont pas l'air d'Ítre des effets miniatures car la caméra bouge tellement que le spectateur ne songe pas spontanément à un trucage.
Il est tout de mÍme surprenant que la trilogie comporte un aussi grand nombre de miniatures. Beaucoup de ces décors auraient pu Ítre créés en image de synthèse...
Peter croit fermement à l'intÍret des miniatures par rapport à l'infographie pour tout ce qui est architectural. Autant il estime qu'un paysage peut très bien Ítre créé par ordinateur, autant il pense que rien ne peut remplacer la texture d'un mur miniature, le reflet de la lumière sur les tuiles,etc. On passe peut-Ítre des mois à construire ces décors, mais une fois qu'ils sont prÍts. Peter peut placer sa caméra o˘ il veut, la bouger comme il l'entend, et mÍme s'approcher jusqu'à cinq centimètres s'il le souhaite. Le réalisme est là, le résultat est visible instantanément. Dans le premier film, la ville abandonnée des Nains est le seul décor important qui ait été créé en images de synthèse. La répétition à l'infini des colonnes immenses, ainsi que l'obscurité du lieu, se prÍtaient idéalement à l'infographie. Pour le reste, Peter a tout misé sur les décors miniatures. Ce sont littérale- ment des centaines de plans qui ont été réalisés avec cette technique pour la trilogie...
En ce qui concerne les maquillages, vous semblez avoir battu tous les records du genre...
C'est fort possible. Dans Les deux Tours, il ya une bataille gigantesque qui oppose l'armée des humains et des elfes à celles des uruks-haÔs de Saroumane. Ces derniers étaient interprétés par des acteurs qui portaient un maquillage facial et un costume en mousse de latex qui leur recouvrait la majeure partie du corps. Or,les prothèses faciales devaient Ítre renouvelées tous les jours, tandis que les faux corps tenaient une semaine. Comme le tournage a duré plusieurs mois, il nous a fallu fabriquer pas moins de mille costumes ! A cela sont venues s'ajouter des milliers et des milliers de prothèses faciales. Et ça, pour une seule séquence d'un seul des trois films. Pour vous donner une idée de l'ampleur du travail accompli sur la trilogie en terme de maquillages spéciaux, sachez que nous avons trois fours géants, aussi grands qu'une chambre d'enfant, pour faire cuire les prothèses en mousse de latex. Ils ont tourné sans arrÍt, 24 heures sur 24, pendant trois ans et demi...
D'une manière générale, comment avez-vous pu cumuler autant de fonctions sur un projet aussi exigeanten termes d'effets spéciaux? Vous ne dormiez jamais?
(Rires) Si, si, bien s˚r que je dormais, mais j'ai eu la chance que Tanya Rodger, ma partenaire au sein de la société Weta Work- shop, soit aussi mon épouse. Si je devais rester à l'atelier tard le soir, je n'avais pas besoin de me justifier. Elle savait pourquoi. «a évitait les scènes de ménage ! Plus sérieusement, mon quotidien se résumait le plus souvent à parcourir les ateliers, passant d'un poste à l'autre, répondant à dix mille questions, approuvant ou refusant tel ou tel design, demandant des modifications sur tel élément, etc. Toute la journée, je portais sur la tÍte un téléphone mains libres qui me permettait de prendre des appels sans avoir à tenir un combiné. J'avais un assistant chargé spécialement de filtrer mes appels. Il centralisait tous les coups de fil et décidait à chaque fois s'il fallait une réponse personnelle de ma part ou s'il pouvait transférer l'appel vers tel ou tel chef de département. Le but était, bien entendu, que j'ai le moins d'appels possibles afin que je puisse me concentrer sur le travail de l'atelier. Lorsque je devais me rendre sur le tournage, c'était les chefs de département qui supervisaient le travail.
Mais comment pouviez-vous garder un oeil sur toutes les activités que vous deviez superviser?
Ma grande chance, c'était que les départements étaient tous réunis sous un mÍme toit: la fabrique de costumes spéciaux, l'atelier maquettes, les maquillages... Nous avions mÍme une forge pour fabriquer les lames d'épée à l'ancienne, en véritable acier. Toute la journée, je passais donc d'un département à l'autre sans jamais m'éloigner de mes collaborateurs. Sans cela je n'aurais jamais pu superviser autant de domaines différents. Vous savez, mon but n'était pas d'établir un record en cumulant un maximum de fonctions possibles sur un mÍme film! (Rires) Avec Peter Jackson, nous voulions simplement que l'aspect visuel de la trilogie soit aussi homogène que possible.La Terre du Milieu était un monde qu'il fallait créer de toutes pièces. Il y avait donc un énorme travail de conception visuelle à réaliser. Le moindre détail de chaque plan devait Ítre imaginé et visualisé. En concentrant cette responsabilité dans les mains d'un tout petit nombre de personnes. Peter mettait toutes les chances de son cÙté pour que le résultat soit harmonieux. C'est pour ça que j'ai choisi de superviser autant de départements. C'était la garantie que tout ce qui sortirait de mes ateliers correspondrait à la vision d'une seule personne, c'est-à-dire moi.
Votre vision était aussi celle des designers du film, Alan Lee et John HoweÖ
Oui, mais cela ne posait aucun problème puisqu'ils étaient eux aussi installés dans nos locaux. Si nous avions le fi moindre doute sur tel ou tel détail, il suffisait de monter les voir pour leur demander leur avis. C'était un atout formidable. II n'y avait pas ce délai habituel à toute production dans lequel on attend des heures, voire des jours avant de pouvoir attraper le réalisateur ou le chef décorateur pour avoir des réponses à nos questions. Chaque objet fabriqué par Weta Workshop portait donc la patte artistique s d'Alan et de John, ainsi que ma patte technique. Nous n'avons jamais eu à subir le cheminement habituel des concepts visuels sur une production traditionnelle : l'illustrateur fournit un concept qui est approuvé par le réalisateur, puis interprété par le chef décorateur, puis à nouveau interprété par, admettons, l'équipe de fabrication des maquettes... ¿ l'arrivée, le résultat est souvent assez différent du concept initial et la multiplication de ces interventions se traduit par un manque de cohérence visuelle. Avec la trilogie, Alan et John ont pu suivre leurs concepts depuis la remise du dessin jus- qu'au produit fini. Ils ont mÍme assuré personnellement les retouches peinture lorsque le résultat ne leur convenait pas. Il en a résulté un look très naturel et crédible, malgré sa richesse extraordinaire. Personne ne pourra nier que l'univers dépeint dans le film a l'air authentique. C'est le fruit de cette cohérence visuelle et aussi le résultat du travail acharné de centaines de techniciens et artistes. Tous ceux qui ont travaillé sur la trilogie savaient que ce projet resterait unique dans leur carrière. Il en est donc résulté un engagement personnel comme jamais je n'en avais vu. Et je crois que ça se voit à l'écran.
Il est dit que pour que les acteurs puissent poser leur regard face à une creature qui n'existe pas : exemple le Balrog : et bien un technicien agité devant eux une balle de golf qui devait représentée la tÍte du monstre. Beaucoup d'images en numériques our le arrières plans.
"Vous rÍvez d'adhérence et de confort ? de surfer sur les boucliers comme d'atteindre d'un coup de hanche le haut d'un oliphant? de tenir à 90∞ sans les mains? les semelles Legolas feront votre bonheur!!! Avec les semelles legolas votre dexterité prend 20 points sans effort. Essayez les : vous ne verrez plus la vie du mÍme cÙté!!" (forcement vous etes minimum à 90∞) Tout cela pour dire que quelques fois le numérique se fait un peu surréaliste.