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Les moulins en France

À partir du XVe siècle, la France s'est pourvue d'une production papetière autonome et commence à exporter. Mais il a fallu pratiquement deux siècles pour que le papier s'installe dans les pays du Nord. Contrairement à son succès immédiat dans le monde musulman, sa diffusion en Europe n'a été que très graduelle.Il ne s'est pas substitué mais seulement ajouté aux anciens supports d'écriture, sans bénéficier d'un engouement particulier Il a pourtant bénéficié de la progression constante des besoins en supports graphiques. Depuis le XIIe siècle, le développement de l'écrit et l'apparition d'un nouveau public cultivé (légistes, clercs, marchands, lettrés, etc.) s'étaient traduits par un intense développement de la production de livres et de documents écrits, mais surtout au bénéfice du parchemin. Produit local, de bonne qualité, abondant, d'un prix relativement modéré et parfaitement maîtrisé par les ateliers de copistes et d'enlumineurs, le parchemin sera longtemps considéré comme un support d'écriture très supérieur au papier, que l'on réserve à l'écriture courante ou précaire (livres de comptes, registres, notes et brouillons). Dans son De Laude scriptorium, Gerson traduit en 1415 un sentiment général : "le Papier, éphémère, est à déconseiller pour les textes de valeur que l'on voudrait conserver, les étudiants sérieux s'abstiendront de s'en servir.” Si le papier finit par s'imposer malgré sa médiocre renommée, c'est bien sûr grâce à l'imprimerie mais aussi parce qu'il s'agit d'un produit à haut coefficient technologique : contrairement au parchemin, il peut faire l'objet d'une fabrication mécanisée. Ce que les Européens du Nord importent d'Italie au XlVe siècle, c'est avant tout une nouvelle conception technique. Elle tient à trois innovations qui constituent une révolution pour la production du papier: - le moulin hydraulique avec arbres à cames, qui augmente le rendement par une trituration automatique de la chiffe, - la forme à fils métalliques, assurant la rigidité du cadre plongé dans la cuve, et - le collage à la gélatine qui permet une meilleure protection de la feuille. Les quatre cents moulins qui fonctionnaient à Fez en 1184 utilisaient la force humaine ou animale pour faire tourner les meules, ce qui constituait déjà une avancée considérable sur la technique chinoise du défibrage manuel des végétaux et du malaxage au pilon des chiffons. Les moulins de Xativa dont parle al Idrisi (1154) : les débris de chanvre et de lin sont encore écrasés et ne bénéficiaient pas non plus de meules hydrauliques ; elles ne sont apparues dans la région qu'un siècle plus tard. Pour leurs moulins à huile, les Maures ont initié la technique du pilon hydraulique en Castille dès la seconde moitié du XIIe siècle mais son application au papier n'est pas attestée, en revanche, à Fabriano, en Italie, les moulins mentionnés en 1268, 1276 et 1283 sont tous équipés d'un dispositif technique inédit qui associe l'énergie de l'eau, captée par la roue à aubes et transformée par l'arbre à cames à un nouveau type de broyeur, alternatif et vertical. Le rendement s'accroît considérablement, le prix de revient diminue et la quantité augementent. Malgré un accroissement constant des besoins en papier, le développement de la production se trouve limité par une pénurie endémique de matière première. Mais, à côté de ce handicap logistique qui va affecter la production des moulins, vers la fin du siècle, se heurte également à une autre difficulté, de nature sociale. La tension monte en effet entre patrons et ouvriers compagnons. Le nombre grandissant des cuves mises en activité nécessite une main-d'oeuvre spécialisée toujours plus abondante et une rotation permanente des ouvriers qualifiés, qui sont de plus en plus recherchés. Dans ce contexte de plein emploi, les compagnons papetiers, détenteurs des traditions artisanales, exercent un contrôle sévère sur l'apprentissage et limitent l'accès au métier. En maintenant volontairement une certaine pénurie de la main-d'oeuvre. Cette rareté des compétences, entretenue artificiellement dans une conjoncture de forte progression, leur assure en fait un pouvoir considérable. Regroupes en organisations, ils sont tout-puissants sur l'activité des papeteries et peuvent, notamment à la suite d'un différend entre un martre et un ouvrier décider de " mettre en interdit ” la fabrique. Obéissant à la consigne les ouvriers désertent le moulin et se font embaucher, sans difficulté dans les mil avoisinants où d'autres patrons à court de main-d'œuvre ils s'empressent de leur offrir un emploi. La " mise en interdit " aboutit à un véritable blocage de la production et peut conduire une papeterie à la faillite. Cette menace contraint les maîtres de moulins à ne se moderniser qu'avec la plus grande prudence et souvent à y renoncer : l'importation d'une innovation technologique, l'embauche d'ouvriers possédant de nouvelles compétences ou, pire encore, l'emploi d'outils et de techniciens étrangers, ne peut en pratique se faire qu'avec l'agrément de l'organisation professionnelle des compagnons papetiers. Par nature, cette organisation est hostile à toute remise en cause des anciens usages et réagit spontanément par une " mise en interdit ". [hide=La forme à puiser métallique] La forme à fils de laiton est une innovation du Moyen Âge occidental. Il est très difficile d'en dater l'invention mais elle est certainement bien antérieure au premier filigrane connu qui date de 1282. Le tressage des fils de laiton remplace les formes en fils de coton, de bambou ou de roseau. Beaucoup plus fragiles, qui obligeaient à coucher la feuille lentement par déroulement de la forme souple. Avec la forme métallique, le tamis acquiert un cadre et devient rigide : la maîtrise des formats est plus précise, la trame se fait plus fine et les cadences de fabrication s'accélèrent. Il fallait une minute de travail attentif pour faire une feuille sur support de roseau ; cinq secondes suffisent avec une forme métallique rigide. Le tamis métallique est l'oeuvre du formère (formaire pour certains) : tisserand des formes à papier. À l'origine, dans les régions où l'on trouvait des moulins, il existait un formère par vallée. En France, le village de La Forie s'est vite rendu célèbre par ses formères. Plus tard, la fabrication des formes s'est concentrée dans le Cantal, Puis il fallut s'approvisionner en Angleterre. Les premières formes " à vergeures " étaient constituées de deux couches de fils de laiton parallèles très serrées : un réseau de trois cents fils pour la couche du dessus (qui reçoit la pâte), de cent cinquante pour celle du dessous. Cette technique est restée inchangée du XIIIe au XVIIIe siècle. [/hide] [hide=Collage à la gélatine et séchage au vent] Le collage des papiers orientaux et arabes se faisait principalement à l'amidon de riz ou de blé. Vers la fin du XIIIe siècle, les papetiers italiens imaginent un collage à la gélatine animale. Le procédé se généralise au XIVe siècle dans tous les moulins du Nord car cette nouvelle colle peu coûteuse (on l'obtient en faisant bouillir des rognures de peau) possède des qualités de translucidité, de fluidité d'imperméabilité et de solidité très supérieures à celles de l'amidon, tout en assurant au papier une protection plus efficace contre les insectes. Enfin ce sont les artisans italiens qui initient le principe de l'étendoir où les feuilles étendues sur des cordes sèchent à l'air et au vent Depuis son arrivée en Occident au Moyen âge, jusqu'à l'invention du papier de bois au XIXe siècle c'est à dire pendant plus d'un demi millénaire, l'histoire du papier est liée à celle du chiffon, une matière rare et sophistiquée. L’approvisionnement des moulins reposait sur les chiffonniers, qui allaient de maison en maison collecter les vieux tissus et les vêtements usages. Les chiffons sont collectés, essentiellement dans les centres urbains, par des ramasseurs constitués en réseaux : - Les chiffonniers trient sommairement les chiffons afin de constituer des balles acheminées jusqu'aux moulins à papier. - Une fois lavés, les chiffons sont débarrassés de leurs boutons et agrafes, découpés en lanières égales, puis triés selon leur qualité (fin, moyen, grossier) et leur couleur (blanc ou noir). - On met ensuite les chiffons à tremper et à fermenter dans l'eau du " pourrissoir " entre deux et six semaines, avant de les découper finement au " dérompoir ". - Placés dans des " piles " remplies d'eau où battent des maillets tranchants, les chiffons sont déchiquetés pendant six à douze heures. - La pâte ainsi produite est raffinée pendant douze à vingt-quatre heures pour obtenir une pâte plus fine et on place cette pulpe dans une cuve où elle est constamment chauffée pour être maintenue à température tiède. Pour les petits moulins, à une seule cuve, les chiffons sont collectés dans les environs à l'échelle du canton, par des chiffonniers qui travaillent directement pour la papeterie. Les moulins plus importants achètent leur matière première à des marchands qui emploient eux-mêmes tout un réseau de ramasseurs qui vont glaner les vieux tissus, hardes et guenilles à l'échelle de toute la région. Les marchands de chiffons s'installent dans les grandes villes parce que les chiffons y sont plus abondants, ou à proximité des fleuves pour simplifier l'acheminement vers les moulins des lourdes balles de tissu (plusieurs quintaux). Le coût du transport de la matière première, déjà chère en elle même à toujours joué au cours des siècles un rôle sensible sur le prix de revient du papier. Les papetiers ont rationalisé l’implantation des centres de production mais les premiers moulins, installés sur les sites les plus favorables pour l'énergie hydraulique près des torrents dans des régions accidentées, ne pouvaient souvent être approvisionnés que par de longs et coûteux convois de balles de chiffons transportées à dos de mulet. Sous sa forme traditionnelle, le moulin à papier est un lieu qui transforme une matière première le chiffon en produit fini (les rames de papier, conditionnées pour l'expédition) selon un processus qui compte quatre grandes étapes : 1 la préparation des chiffons, 2 la fabrication de la pâte, 3 la confection de la feuille, 4 les apprêts du papier. Malgré quelques innovations, notamment au XVIIIe siècle, ce processus reste inchangé, du XIIIe au XIXe siècle, jusqu'à l'apparition de la machine à papier continu et du papier de bois. Les différentes étapes de la Production se succèdent avec leurs durées et leurs espaces spécifiques - le magasin et le délissoir pour la préparation des chiffons, w le pourrissoir et le moulin proprement dit Pour la fabrication de la Pâte, - la chambre de cuve, les étendoirs et - la chambre de colle pour la confection de la feuille, enfin - la salle d'apprêt pour la finition et le conditionnement des rames de papier. Cette "technique d'Ancien Régime " a son vocabulaire, son parler dont l'usage s'est transmis et précisé de génération en génération pendant six siècles de fabrication traditionnel du papier " à la cuve " ou " à la forme ". [/hide] [hide=Fabrication de la pâte : Pourrissage et dérompage.] - Réduits en lanières et triés, les chiffons sont portés au pourrissoir, sorte de citerne ou de cave dans laquelle ils sont aspergés d'eau et retournés régulièrement pendant une durée qui, selon la qualité des tissus, peut varier de huit jours à six semaines. - Cette durée de fermentation est surveillée de très près par le " gouverneur " du moulin car un pourrissage trop long produit des déchets et compromet la pâte, tandis qu'une fermentation insuffisante donne des lanières de chiffon encore trop résistantes pour être broyées par les maillets du moulin. - Pour assurer une production ininterrompue de pâte, un moulin doit cependant disposer en permanence d'une quantité suffisante de chiffons convenablement pourris, tout en alimentant le pourrissoir en nouveaux tissus. Piles et maillets. - Lorsque les chiffons sont parvenus au point de macération idéale, ils passent de nouveau au dérompoir pour être redécoupés en lanières plus fines. - La matière obtenue est transportée dans la salle du moulin proprement dit où se trouvent les piles, quatre à six bacs de dimensions moyennes (0,40 m environ) dans lesquels battent les maillets, énormes marteaux en bois armés de clous de fer. - Les lanières de tissu sont jetées dans les piles pleines d'eau (environ 8 kilos de chiffons par pile) pour être déchiquetées et défibrées par écrasement. - En retombant, chaque maillet percute le fond de sa pile, renforcée à ce point d'impact par une plaque de fer battu, la platine. Les maillets se soulèvent et retombent les uns après les autres dans leur pile respective selon un mouvement régulier et successif induit par l'arbre à cames du moulin. - C'est cette cadence régulière de frappe qui sert à faire " tourner " l'eau et les chiffons dans chaque pile. Elle assure au mélange son homogénéité en permettant un broyage intensif de toutes les lanières de tissu. Défilage et affinage. -À ce premier travail de défilage (ou effilochage), qui, selon la qualité des chiffons, peut demander douze à trente-six heures et produit une demi pâte encore irrégulière, succède un second broyage, plus fin. - Il s'agit de l'affinage (ou raffinage) ; dans les moulins importants, on fait passer la demi pâte dans d'autres piles, équipées de maillets cloutés aux extrémités plus tranchantes, qui achève de déchiqueter les tissus en minuscules fragments. - C'est le gouverneur du moulin qui apprécie la durée de cette trituration et le moment où la matière parvient à une finesse idéale, sous la forme d'une suspension fibreuse de couleur blanchâtre : la pâte. [/hide] [hide=Confection de la feuille : La cuve à ouvrer.] Une fois la pâte affinée, elle est délayée dans de l'eau claire (2% de pâte pour 98 % d'eau environ) et donne un liquide laiteux qui est versé dans la cuve à ouvrer, instrument de production essentiel du moulin. II s'agit d'une cuve en bois, de forme ronde et évasée, et d'une capacité de huit cents à mille cinq cents litres, équipée à sa base d'un petit réchaud qui garde tiède la pâte diluée, et bordée à sa partie supérieure d'un plateau échancré devant lequel se place l'ouvreur (appelé aussi ouvrier ou plongeur) qui puise le liquide. Pour ce puisage, l'ouvreur dispose d'un instrument spécifique : la forme. Les ouvriers papetiers travaillent toujours en équipe de deux. Le premier, l'ouvreur , trempe une forme dans la cuve. Il place ensuite sur la forme la " couverte ", cadre de bois mobile à bords débordants qui va marquer les bords et déterminer l'épaisseur de la feuille en permettant de doser la quantité de pâte étendue sur la forme. Puis l'ouvreur ressort la forme chargée de pâte et y répartit celle-ci également sur toute la surface, en secouant horizontalement la forme dans un mouvement de va-et-vient comme pour tamiser. L'eau s'écoule à travers la forme et les fibrilles de la cellulose contenue dans les fibres textiles commencent à s'enchevêtrer. L'ouvreur enlève la couverte et tend la forme à son coéquipier. Le " coucheur " va renverser la forme pour déposer la feuille sur un feutre destiné à la séparer de la feuille précédente, et ainsi de suite. À la place de la forme qu'il vient d'enlever et de rendre à l'ouvreur, le coucheur applique sur la feuille humide un second feutre qui servira de support pour coucher la prochaine feuille : il empile ainsi vingt-cinq feuilles (une main) entre vingt-six feutres. L'ouvreur et le coucheur peuvent produire six à huit feuilles à la minute, soit jusqu'à huit rames de cinq cents feuilles dans une journée. w Au fur et à mesure de leur production, les quets sont empilés quatre par quatre pour former les porses (cent feuilles et cent un feutres), aussitôt placés sous presse à proximité de la cuve. La forme et sa couverte. Les feuilles sont toujours rectangulaires. Leurs dimensions, issues de la forme - d'où le nom de format qui leur est donné -, correspondent à ce qu'un homme peut facilement manier. Si l'on regarde par transparence une feuille de papier, on s'aperçoit qu'elle garde l'empreinte des vergeures - de petits traits rapprochés parallèles aux grands côtés -, des pontuseaux - ces fils de laiton assez gros parallèles aux petits côtés -, du filigrane et parfois même des fils de chaînette. D'où l'appellation de papier " vergé " Vergeures et pontuseaux sont attachés par des fils de laiton plus fins appelés " chaînettes " : les fils de chaînette, en empêchant les pontuseaux de se déplacer, régularisent l'écart entre les fils métalliques. [/hide] [hide=Marques d'eau et filigrane.] Lorsque l'ouvreur retire de la cuve la forme qu'il vient d'y plonger, l'eau s'écoule à travers les ouvertures du réseau mais pas les matières solides, qui se rassemblent sur les vergeures en créant un matelas fibreux. Le treillis métallique de la forme laisse alors sa trace la " marque d'eau " dans la matière de la feuille en formation qui se dépose en une couche légèrement moins épaisse - et donc plus transparente - sur le relief des vergeures (c'est la caractéristique du papier " vergé "), des pontuseaux et des chaînettes. Tous les papiers produits en Europe du XIIIe au XVIIIe siècle présentent ces images fantômes dans leur épaisseur. À partir de 1750 en Angleterre, de 1777 en France, le papier vergé sera concurrencé par un papier lisse et sans images fantômes, le " papier vélin ", obtenu grâce à une forme à puiser équipée d'une toile métallique très fine. Souvent ce treillage comporte un fil de laiton fixé à la trame, qui représente soit une ou plusieurs lettres, soit un dessin (écu, couronne, grappe de raisin…) : c'est le filigrane, dont l'empreinte inscrite dans la pâte s'aperçoit par transparence dans la texture du papier. Il s'agit de la marque du fabricant, qui peut indiquer le nom du moulin, celui du papetier, ses initiales, la région ou la date… Le plus ancien filigrane connu apparaît sur un papier fabriqué en 1282 à Bologne par un papetier venu de Fabriano. L'usure d'un filigrane peut parfois servir à dater approximativement un ouvrage, sachant qu'une paire de formes dure entre un an et cinq ans, selon l'utilisation. La pile de feuilles et de feutres est ensuite placée sous une presse à vis pour éliminer l'excédent d'eau ; cela va permettre aux fibrilles de s'associer pour former la feuille. Il s'agit d'éliminer l'eau dont les feuilles sont encore saturées. Les piles de feuilles séparées par leurs feutres sont comprimées sous une grosse presse à vis à l'aide d'un levier de douze pieds actionnés par les forces conjuguées des trois compagnons de cuve, l'ouvreur, le coucheur et le leveur. Après cet essorage, les feuilles sont séparées des feutres, puis, encore humides, elles sont pressées avant d'être mises à sécher sur des cordes dans les étendoirs. L'expulsion de l'eau, très spectaculaire, réduit l'épaisseur de la pile au tiers de sa hauteur initiale. La chimie nous permet de savoir aujourd'hui que cette extraction de l'eau est un moment essentiel de la formation de la feuille de papier, celui des liaisons chimiques (pont hydrogène) entre les fibrilles de cellulose : " Le passage dans les presses se situe au moment critique où la teneur aqueuse de la feuille descend suffisamment bas pour que les liaisons directes fibrille-fibrille, jusque-là absentes ou rares, commencent à remplacer les liaisons fibrille-eau. Ces liaisons fibrille-fibrille sont en fait des liaisons hydrogènes (par valence secondaire) qui s'établissent entre des groupes hydroxyles OH localisés sur des fibrilles différentes'. " Après cette opération les feuilles sont devenues assez résistantes pour être détachées de leurs feutres et mises à sécher. Aidé par le vireur, qui enlève les feutres pour les remettre coucheur, le leveur sépare les feuilles et les empile en paquets de cent (porse blanche) pour un nouveau pressage, plus doux, qui précède le séchage proprement dans les étendoirs. Les étendoirs, généralement situés à l'étage supérieur du moulin, sont de vastes salles à claire-voie équipées de volets de bois mobiles permettant de régler l'entrée du vent et la vitesse de séchage. Une fois séchées, les pages sont remises en piles pour être transportées à la salle de colle, ou directement à la salle d'apprêt. Collage. Les feuilles de papier destinées à l'écriture doivent être enduites d'une substance hydrophobe qui empêche la surface de " boire " l'encre : c'est la colle, transparente, imperméable et régulière, qui protégera aussi le papier des insectes. La colle est préparée à partir de rognures de peau bouillies dans l'eau d'un grand chaudron. Après filtrage, cette gélatine animale est maintenue à bonne température dans le mouilloir. D'un mouvement rapide, le colleur plonge une poignée de cent à deux cents feuilles dans le bain et la ressort immédiatement. Pour enlever l'excédent de colle, les feuilles sont mises sous presse, avant d'être étendues pour sécher. Quand elles sont bien sèches, les feuilles sont une dernière fois mises sous presse pendant une douzaine d'heures dans le lissoir. Puis lissage la feuille de papier : il faut soit passer un grattoir pour faire disparaître les aspérités, soit polir avec un morceau de bois ou une pierre dure qui égalise le grain du papier. Les feuilles défectueuses sont mises à part pour être recyclées, les feuilles acceptables sont classées en piles selon cinq degrés de qualité : le bon, le retrié, le chantonné, le court et le cassé. Seules les deux premières catégories sont considérées comme réellement propres à l'écriture. Il ne reste plus qu'à constituer des paquets de cinq cents feuilles, des " rames ", unités de vente courantes. En fin de parcours, si l'on comptabilise toutes les opérations, chaque feuille aura passé trente fois dans les mains des ouvriers et dix fois sous presse. [/hide]