Le parchemin

Pendant ce temps en occident… À côté du Papyrus ou des supports végétaux en fibres écrasées, l’Antiquité et le Moyen âge ont développé une importante tradition d'écriture sur peau animale, notamment dans les régions où le papyrus n’est que denrée rare ou inconnue. Dès le début du 1er Millénaire, les Égyptiens écrivaient sur du cuir. Plus tard, les Perses et les Hébreux ont utilisé des peaux de boeuf et de chameau, les Mayas et lesAztêques du cuir de chevreuil, les Arabes des peaux de gazelle. Mais le cuir brut réagit mal à l'acidité des écritures et présente une surface irrégulière peu favorable à la graphie. Réalisé à partir de peaux animales (mouton, veau, âne, antilope, etc.), il permet une meilleure conservation dans le temps ; plus solide, il permettait aussi d'effacer le texte. C'était un support très cher, à cause de la rareté de la matière et du temps de préparation. D'après l'étymologie, le parchemin est né à Pergame, royaume hellénistique d'Asie Mineure. La légende attribue son invention à Eumène II, roi de Pergame, d'où le nom de pergamineum qui a donné parchemin. Sa production commence vers le IIIe siècle av. J.-C. Dans son Histoire naturelle Pline l'Ancien situe, son invention sous Eumenês Il (197 . 152 av.j. C.). Le royaume de Pergame fut, semble-t-il, grand producteur et grand exportateur de parchemin mais la technique du cuir tendu est vraisemblablement beaucoup plus ancienne et remonte sans doute au IXe siècle avant notre ère. Bien que fortement concurrencé par le papier dans le monde musulman dès la fin du VIIe siècle et en Occident à partir du XIIIe siècle. Le parchemin, par son élégance et de sa robustesse, conservera la faveur des scribes et des artistes. Il sera utilisé longtemps encore pour les documents officiels destinés aux archives et pour les textes sacrés. Un autre support de l'écriture était couramment utilisé depuis de nombreux siècles en Orient au moment de la conquête arabe : le parchemin, produit à partir d'une peau d'animal traitée et séchée sous tension. Il fut employé dans le monde arabe de manière courante jusqu'au xe siècle, puis son usage ne subsista qu'au Maghreb et, en Orient, dans les communautés non musulmanes. Les corans que l’on peut considérer comme les plus anciens sont copiés sur du parchemin, probablement le plus souvent à partir de peaux de mouton, de chèvre et de veau. Toutefois, le Calendrier de Cordoue, rédigé en 961, précise que c'est du mois de mai à la fin du mois de juillet que l'on fait du parchemin avec de la peau de faon et de gazelle. L'usage de peaux d'animaux non domestiques n'est donc pas à exclure, mais il ne devait certainement pas être très répandu pour des raisons pratiques et économiques. La grande majorité des livres sur parchemin copiés jusqu'au xe siècle aujourd'hui conservés consiste en corans ou feuillets de corans. On dispose de peu d'éléments pour déterminer leur origine. Ceux de la Bibliothèque nationale de France ont été acquis au Caire au début du XIXe siècle par Jean-Louis Asselin de Cherville, mais ils avaient probablement beaucoup circulé auparavant. Comme on répu¬gnait à jeter des corans portant la parole de Dieu, même hors d'usage, des dépôts ont été constitués, oubliés puis retrouvés à Damas, Sanaa, et Kairouan. Étant donné la date de leur constitution, les feuillets de corans qui s'y trouvent offrent globalement une plus grande probabilité de coïncidence entre lieu de découverte et lieu de production, mais sans donner de certitude concernant un document en particulier puisque les manuscrits ont toujours abondamment circulé. Les dimensions des livres sur parchemin sont limitées par la taille de l'ani¬mal dont la peau est utilisée. Le manuscrit BNF, arabe 324 est l'un des plus grands que l'on connaisse, après un manuscrit conservé à Londres qui atteint 85 x 82 cm. Le format des premiers corans en écriture higàzï est vertical ou presque carré, puis un format oblong s'est imposé avec l'écriture coufique. Est-ce du fait du caractère même de l'écriture, ou par une volonté de distinguer le Coran des autres livres? Ce type de format semble lié à des écritures qui elles-mêmes ne se rencontrent que dans les corans. Si l'on connaît un manuscrit non coranique qui présente à la fois un format oblong et une écri¬ture de type coranique (BNF, arabe 2047), celui-ci reste une exception. Le format vertical réapparaît pour la copie du Coran sur parchemin à la fin du xe siècle, peut-être du fait de la généralisation de l'utilisation du papier. Il est associé le plus souvent à un style d'écriture particulier et l'on peut se demander si les deux caractéristiques ont évolué indépendamment ou si l'évolution du format est liée à celle de l'écriture. La technique de fabrication des cahiers de parchemin est différente de celle utilisée pour les manuscrits occidentaux. Dans ces derniers, le cahier est le résultat d'un pliage, ce qui a deux conséquences sur sa présentation : un nombre pair de bifeuillets et une alternance telle qu'un côté chair se trouve en face d'un côté chair et un côté poil en face d'un côté poil. En Orient, les bifeuillets sont empilés et pliés en deux. Les manuscrits syriaques et les manuscrits arabes présentent le plus souvent des cahiers de cinq bifeuillets, mais les manuscrits arabes chrétiens sur parchemin, comme les manuscrits byzantins, présentent souvent des cahiers de quatre bifeuillets. Parfois, l'alternance des côtés poil et des côtés chair est telle que le cahier pourrait être le résultat d'un pliage, et parfois non, comme dans BNF, arabe 6725. Au Maghreb, le parchemin a été utilisé de manière courante plus longtemps qu'en Orient. Les corans, jusqu'au xIve siècle, y ont été copiés sur parchemin, ainsi que des recueils de traditions, en particulier le Muwattà de Mâlik ibn Anas, ouvrage essentiel de l'école juridique malékite particulièrement suivie dans la région. D'autres textes, comme le traité sur les lectures coraniques d'al-Dâni, ont pu parfois aussi être copiés sur parchemin mais ils sont beaucoup plus rares. Il semble que le parchemin, matériau cher, ait été réservé à des copies de luxe généralement enluminées. Leur format est carré ou proche du carré, et les cahiers peuvent être constitués de cinq, quatre ou trois bifeuillets. C'est aussi au Maghreb que l'on trouve des cahiers constitués à la fois de papier et de parchemin. Dans BNF, arabe 6499, un ouvrage considéré comme le texte essentiel de la grammaire arabe, le Kitâb de Sibawayhi, le parchemin a eté placé à l'extérieur et au centre des cahiers, de manière à tirer parti de sa plus grande résistance. Des manuscrits hébreux copiés en Espagne, en Italie et dans le monde byzantin présentent aussi des cahiers mixtes. Au Proche-Orient, le parchemin n'a plus été utilisé, après la généralisation du papier, que dans les communautés non musulmanes. Des manuscrits syriaques ont été copiés sur parchemin jusqu'au XIIIe siècle et c'est probablement dans une communauté chrétienne proche de Diyarbakir que fut trans¬crite au XIIe siècle une traduction de la Materia medica de Dioscoride sur parchemin (BNF, arabe 4947). Copier un texte arabe sur parchemin était exceptionnel à cette époque au Proche-Orient, les manuscrits en langue arabe, y compris ceux contenant des textes chrétiens, étant alors copiés sur papier.


La fabrication du parchemin

Spécialement conçu pour l'écriture, le parchemin est un cuir qui subit un tannage spécial ou plus exactement sur lequel on exerce au cours du séchage une tension assez forte pour modifier sa structure interne. Une pièce de cuir, tannée selon la méthode habituelle, conserve la structure naturelle de ses fibres, qui est omnidirectionnelle. Au contraire, pour fabriquer du parchemin, la peau mouillée est étendue au maximum et sèche en subissant une extension intense qui aligne les fibres parallèlement. Le parchemin se différencie aussi du cuir par sa réserve alcaline : les substances basiques, rares dans le cuir sont au contraire abondantes dans le parchemin et c'est cette alcalinité qui dote le parchemin d'une résistance particulière aux acides. En effet, après le nettoyage à l'eau, les peaux subissent un bain de plusieurs jours dans une solution de chaux. C'est après avoir été imbibées de bue qu'elles sont tendues sur un métier de bois et assouplies au couteau circulaire. Pendant le séchage, la tension est perpétuellement réajustée tandis que la surface est frottée au gypse ou à la craie.