Peu de répit pour l'artisanat : la mécanisation est définitivement engagée.
Une seconde génération de machines apparaît entre 1830 et 1840, intégrant des innovations techniques importantes :
- l'épurateur,
- les caisses aspirantes,
- le rouleau égoutteur,
- la presse séche et,
- les sécheurs en fonte.
La guerre industrielle est désormais déclarée entre les grandes familles papetiéres, comme les Montgolfier, les Canson ou les Johannot. Chacun cherche à se démarquer de ses concurrents en offrant de nouvelles qualités de "papier mécanique ", en étendant peu à peu sa gamme de produits aux papiers d'écriture et d'impression. C'est à cette époque que le livre à bas prix connaît une diffusion massive et que s'affirme le rôle des grands éditeurs, aux côtés d'intermédiaires comme les marchands en gros et les commissionnaires, indispensables aux papetiers pour écouler leurs produits, notamment sur le marché parisien en pleine effervescence.
De nouvelles améliorations techniques
La multiplication des cylindres et l’élargissement de la table de fabrication permettent de produire plus, plus vite, plus réguliérement, en limitant les " cassés ".
Pour l'énergie motrice, on utilise des machines à vapeur en appoint des moteurs hydrauliques ou de récentes turbines à courroie de transmission.
Entre 1850 et 1860, les capacités de production sont multipliées par deux.
À la fin de cette premiére période d'industrialisation, la mécanisation est achevée et s'applique à l'ensemble du processus de fabrication du papier, de la trituration des chiffons à l'apprêtage du papier en bobine.
La structure industrielle de cette branche s'est profondément modifiée : seuls quelques petits moulins à la cuve subsistent aux côtés d'entreprises de taille moyenne, équipées d'une à deux machines et employant une centaine de personnes. Les moulins se concentrent principalement dans les grandes régions industrielles, faciles d'accés et proches des industries textiles
- car l'alimentation en chiffes reste le probléme majeur. Face aux difficultés d'approvisionnement en chiffons de plus en plus grandes, notamment à cause de la flambée des prix, les papetiers recherchent de nouvelles matiéres premiéres.
On pense alors tout naturellement au bois.
Les progrés de la chimie permettent de découvrir que les matériaux nécessaires à la fabrication du papier ont un constituant commun : la cellulose.
Le papier est un agglomérat de fibres de cellulose et la cellulose est la substance organique naturelle la plus répandue dans la nature.
Elle est présente dans toutes les plantes supérieures : c'est donc une matiére abondante. Le coton peut en contenir jusqu'à 95%, le lin et le chanvre de 60 à 90 %. Quant au bois, il en contient lui aussi autour de 50 %.
Le premier brevet concernant une telle machine est déposé par F.G. Keller en 1840 : il permet de produire du papier de bois à bon marché. Celui-ci contient encore 40 % de chiffons qui lui donnent tenue et solidité. En 1846, H. Voelter achéte le brevet de Keller et construit des machines à réduire le bois en pâte et permettre une production massive. " L'appareil que j'ai imaginé [...] se compose d'une meule de, blanc, montée sur un arbre de couche, auquel on imprime mouvement rapide et continu, pendant que l'on fait appuyer sur la circonférence extérieure plusieurs piéces ou plusieurs metre de bois sans noeuds, ayant pour longueur la largeur de la meule”.
Un second brevet est déposé pour le raffineur, qui permet de produire des pâtes d'une finesse constante.
- Le défibreur coupe des copeaux tandis que le raffineur les égalise et affine les fibres.
- Pour améliorer la qualité de la pâte, on ajoute un épurateur chargé de trier les fibres et de les réinjecter, au besoin, dans le raffineur, jusqu'à obtention d'une pâte de la finesse désirée.
- Le produit fini est de qualité trés médiocre, de faible résistance et de courte conservation, mais il peut convenir pour un des nouveaux marchés les plus gourmands en papier: le journal.
L'adoption de ce défibreur nécessite cependant, une fois de plus, parallélement à la mécanisation déjà en cours, une compléte réorganisation de l'industrie papetiére. Pour passer du chiffon au bois, il faut revoir intégralement les installations et les machines. Ce procédé de fabrication mécanique, qui réclame un traitement complexe de la matiére premiére, des installations lourdes et la mise en place de nouveaux circuits d'approvisionnement, ne s'installe que progressivement dans les fabriques. II faut attendre 1860 pour que son utilisation se généralise.
de I867, Voelter présente une installation compléte en fonctionnement ; elle fabrique du papier de bois sur le Champ de Mars ! Mais ce papier de bois est loin d'avoir la qualité du papier de chiffons : son blanchiment demande dix fois plus de chlore, ce qui le rend fragile et impropre à la conservation. Le bois fait son entrée dans l'industrie entre 1865 et 1870 et on s'est disputé en France l'honneur d'avoir été les premiers à fabriquer du papier à la pâte de bois. Parmi les pionniers, citons Laroche-Joubert à Angoulême, Matussiéres, Bergés et Fredet dans l'Isére...
Aristide Berges reste l'un des grands promoteurs de cette pâte mécanique de meule. Il dépose trois brevets sur des améliorations du procédé et sur l'emploi de la pâte mécanique dans la fabrication des papiers.
Il est également connu pour être le premier à domestiquer et à utiliser l'énergie "stockée dans les montagnes", qu'il nomme la Houille Blanche, pour faire tourner ses défibreurs à meule à Lancey, dans la vallée du Grésivaudan, prés de Grenoble. En 1885, la pâte mécanique devient la matiére premiére essentielle pour produire du papier journal, acceptée par la plupart des éditeurs de journaux aux États-Unis et au Canada.
La pâte mécanique est obtenue par frottement des rondins de bois sur une meule en présence d'eau ou par défibrage des copeaux entre les deux disques broyeurs d'un raffineur.
- La chaleur ainsi dégagée a pour effet de ramollir la lignine qui cimente les fibres entre elles.
- Par son mode de fabrication, la pâte mécanique contient tous les éléments du bois : la cellulose, mais également les hémicelluloses et la lignine.
Le rendement de fabrication est trés élevé (supérieur à 90%), ce qui explique le faible coût des pâtes mécaniques. A partir des années 1870, les pâtes mécaniques entrérent massivement dans la production papetiére.
- pâte mécanique : le bois en rondins est écorcé puis râpé par des défibreurs à meules, les fibres sont ensuite mélangées à de l'eau.
- pâte mécanique de raffineurs : le bois sous forme de copeaux est d'abord mélangé à de l'eau puis soumis à des désintégrateurs à disques. (Qualité supérieure) Cette pâte est la plus économique et elle atteint une opacité remarquable lorsqu'elle est transformée en papier mince. Elle est par contre mal délignifiée et ses fibres cellulosiques sont souvent déchirées.
Pour contrer cet inconvénient, on traite les copeaux à la vapeur avant et pendant le raffinage, ce qui nous permet d'obtenir une pâte de meilleure qualité appelée thermomécanique. Elle nous permet de minimiser l'ajout d'agents chimiques lors de la fabrication. Mais Si, en plus de la vapeur, on introduit des agents chimiques, on obtient de la pâte chimicothermomécanique.
La pâte mécanique est essentiellement destinée à la fabrication de produits nécessitant moins de résistance, tels le papier journal, certains papiers de presse magazine et certains cartons.
Cartons et cannelure, elles proviennent de bois (ou paille) ayant subi un traitement chimique modéré, complété par un traitement mécanique. Cette pâte à trés haut rendement a des propriétés intermédiaires entre les pâtes mécaniques et chimiques.
Les pâtes résultant de ce procédé sont produites par des moyens qui séparent les fibres des végétaux en tentant de causer le minimum de dégradations possible, contrairement à la transformation mécanique.
- Les copeaux sont traités en étant lessivés dans une solution de sulfite et de carbonate de sodium qui permet de désintégrer les copeaux de bois.
- Ceux-ci peuvent également être lessivés dans une autre substance qui n'est toutefois utilisée uniquement pour les feuillus. - D'autres procédés tels ceux au chlore ou à la chaux peuvent aussi être employés. - Peu importe la nature de cette solution, l'étape suivante de ce procédé est mécanique et elle consiste à un traitement complémentaire important qui vise à séparer les fibres cellulosiques du bois Cette méthode est moins coûteuse que les procédés chimiques, car la plus grande partie du travail est effectuée mécaniquement. Elle rejette également moins de polluants dans l'atmosphére, ce qui n'est pas du tout négligeable.
Le bois qui est utilisé pour fabriquer la pâte est composé d'environ 50% de cellulose, 16% d'autres hydrates de carbone, 30% de lignine et 4% de protéines, de résines et de matiéres grasses.
La lignine peut être décrite comme une colle naturelle qui relie les fibres de bois entre elles.
Pour transformer ce bois en pâte, on doit séparer ces fibres cellulosiques et retirer ou non la lignine. Toute cette procédure dépendra de la matiére premiére utilisée et du type de pâte recherchée.
On retrouve dans l'industrie du papier différents types de pâtes. Il y a les pâtes mécaniques, mi-chimiques et chimiques ainsi que d'autre sous catégories de ces grands ensembles. (Pâtes thermomécaniques, chimico-thermomécaniques, etc.)
La pâte mécanique est caractérisée par sa teneur élevée en matiére ligneuse dans le produit fini (de 80 à 95%). Elle est habituellement utilisée dans la réalisation du papier journal et de certains papiers hygiéniques. Le procédé de fabrication de la pâte chimique, quant à lui, à l'avantage de retirer le plus de lignine et de matiéres extractibles possible en plus de séparer les fibres cellulosiques. Il en résulte donc un rendement inférieur en matiéres ligneuses (de 40 à 55%). Par contre, celle-ci est beaucoup plus résistante, plus facile à blanchir et est moins sujette à jaunir avec les années.
Les facteurs les plus déterminants quant au résultat final d'une pâte est la nature des arbres :
- leur essence,
- leur âge,
- leur densité,
- leur teneur en eau et
- le délai écoulé depuis l'abattage.
Les pâtes de bois peuvent également être fabriquées à l'aide de fibre recyclée. Ce procédé consiste à récupérer les fibres de cellulose et à les mettre en pâte ou à les combiner à de la pâte vierge. Cette méthode évite donc d'augmenter la masse détritus qui encombre les sites d'enfouissement.
Papier d'impression, papier kraft, papier haut de gamme, probablement la méthode de transformation la plus compliquée, celle-ci permet de fabriquer des types de papiers dotés d'une grande résistance.
- On doit tout d'abord passer les billes de bois dans des écorceurs afin de retirer l'écorce. Cette derniére est ensuite récupérée pour servir de combustible dans les autres parties de l'usine.
- On découpe ensuite le bois écorcé en minces copeaux de bois. Les copeaux trop petits serviront à produire de l'énergie et les plus gros retourneront une seconde fois à la mise en copeaux.
- Il y a ensuite deux possibilités pour continuer ce processus, c'est-à-dire pour désagréger les copeaux de bois. Cette étape se nomme le lessivage. Les copeaux peuvent être lessivés selon le procédé alcalin (aussi appelé pâte kraft ou procédé au sulfate) ou selon le procédé acide (aussi appelé pâte au bisulfite). La cuisson est effectuée dans des lessiveuses de forme cylindrique à des températures élevées allant de 100 à 175°C et sous forte pression.
- Si le lessivage s'effectue selon le procédé alcalin, le réactif employé sera de la soude caustique (ou du sulfure de sodium, qui est plus économique).
- Les copeaux, qui ont trempé de 4 à 6 heures dans ce liquide extrêmement chaud, se désagrégent. La liqueur de soude, aussi appelée liqueur blanche, entraîne avec elle la lignine qui compose le bois.
- À la fin de la cuisson, un résidu nommé " liqueur noire " se forme. Il est noir car il a été fortement teinté par la lignine.
- On lave ensuite la pâte pour la séparer de la liqueur alcaline qui l'imprégne. Par la suite, on la tamise et on renvoie à la cuisson les nœuds et les copeaux non cuits.
- La pâte est alors lavée une deuxiéme fois, ce qui nous donne une pâte vierge non blanche.
- On doit ensuite blanchir cette pâte, ce qui consiste à continuer la mise en pâte en tentant d'éliminer davantage la lignine.
- On y arrive en ajoutant divers agents de blanchiment. Les principaux agents utilisés sont l'oxygéne, l'hypochlorite de sodium, le dioxyde de chlore, le peroxyde d'hydrogéne et l'ozone. En ce qui concerne le chlore élémentaire, il est de moins en moins utilisé en raison de son effet sur l'environnement. Il a été remplacé par d'autres agents de blanchiment, notamment le dioxyde de chlore et le peroxyde d'hydrogéne.
- On fait ensuite passer la pâte dans un presse pâte afin d'extraire l'excés d'eau qu'elle contient. Si on souhaite réduire les coûts d'expédition de la pâte, on peut la faire sécher, ce qui réduira son volume. Le séchage est aussi avantageux pour la durée de conservation de la pâte.
- La liqueur noire obtenue à la fin de la cuisson peut être recyclée dans une chaudiére de récupération. La liqueur noire est concentrée par évaporation, additionnée de sulfate de soude et brûlée dans la chaudiére.
- Cette transformation améne la formation de la liqueur verte, qui est elle aussi transformée. Le résultat de toutes ces opérations régénére la soude et le sulfure de sodium formant la liqueur blanche de cuisson. Quant au procédé acide, on a longtemps employé une lessive d'anhydride sulfureux contenu dans les solutions de bisulfite de calcium. De nos jours, on emploie de plus en plus de sulfite d'une autre nature, comme le magnésium, le sodium ou l'ammonium, on peut récupérer plus aisément ces produits chimiques que les précédents.
- Le reste des opérations est trés semblable à celles du procédé alcalin. L'intérieur du lessiveur doit par contre être en acier inoxydable et revêtu de carbone ou de briques anti-acides, étant donné la forte teneur en acide de la liqueur de la cuisson. Les pâtes chimiques sont utilisées pour la fabrication de produits qui offrent une grande résistance. On pense notamment à la pâte "kraft" (ou "pâte au sulfate"), aux pâtes nécessaires à la fabrication des papiers d'impression et d'écriture, des papiers à usages sanitaires et domestiques et de certains papiers et cartons d'emballage.
Aux pâtes de fibres vierges, mécaniques ou chimiques, s'ajoutent aujourd'hui, pour 35 % de la production mondiale, les pâtes de récupération, produites à partir de vieux papiers recyclés. Selon la finesse avec laquelle ces papiers sont triés, on obtient une pâte grossiére pour fabriquer du carton gris ou une pâte blanche, épurée et désencrée, qui peuvent être utilisée pour les papiers graphiques (60 % du papier journal) ou sanitaire. Les propriétés physiques de la pâte de recyclés sont toutefois moins prévisibles que celles de la pâte chimique.
Le désencrage s'effectue en deux temps. Les papiers blancs ou imprimés, préalablement triés, sont d'abord cuits en lessiveurs dans une solution de soude. Cette opération sert à décoller les pigments solubles en milieu aqueux. Ils sont ensuite lavés en présence de détergents qui détachent le liant des encres : ce liant. Constitué d'huiles minérales, est éliminé avec les bulles de savon auxquelles il adhére. Mais ces dilutions successives ne sont pas sans conséquence sur la structure méne de la cellulose. Raccourcies à chaque recyclage, les fibres perdent peu à peu de leur capacité de consolidation. Pour conserver un degré de qualité acceptable. On ajoute généralement des fibres vierges à la pâte recyclée. Le blanchiment Le blanchiment ; c'est du chlore utilisé pour décolorer la cellulose, de couleur brune à l'état naturel.
Le blanchiment consiste à neutraliser cette couleur en mélangeant à la pâte des produits oxydants, puis à laver la pâte ainsi traitée. Ces deux opérations doivent être réitérées quatre à cinq fois pour un résultat optimal. Les produits résiduels rejetés dans les eaux aprés blanchiment peuvent être trés nocifs: l'usage de chlore gazeux a été limité sous la pression des environnementalistes puis remplacé par du bioxyde de chlore (pâtes ECF : Elementol Chlorine Free) ou par des procédés à base de peroxyde d'hydrogéne et d'ozone (pâtesTCF:Totally Chlorine Free) moins utilisés aujourd'hui en raison des risques associés à l'ozone.